
Weekly Photo Prompt (Nostalgia)
Comme s'effacent les souvenirs, j'ai écrit sur cette photo, et mes mots se sont effacés, envolés. Les machines sont si peu mes amies sous mes doigts. Palimpseste involontaire ... Il me faut écrire d'autres mots, réinventer l'instant, car l'humeur vite change et tourne et danse et se raconte.
De la fenêtre de cette chambre, je regardais, enfant, les champs de blés d'en face. Pas une seconde je n'imaginais que ne se balanceraient plus jamais là les épis d'or piquetés des corolles de coquelicots et de bleuets. La maison n'existe plus. Abattue, elle a été remplacée par une autre, sur les traces des uns se posent et se transforment les traces d'autres. La photo est tellement lointaine, et à cette friche de terre en attente a succédé un plantation de maisons toutes identiques, où, rappel discret, désuet, presque surréaliste, un fond de rue enfoui porte le nom de l'oncle mort en déportation quand il avait dix-huit ans : Impasse Paul Cholewka.
Ni la nostalgie en réalité ou la mélancolie ne m'anime de cette époque, mais le chant des blés murs absents, si. Et ces fils qui étaient si près de la maison et la frôlaient presque pendant les orages m'ont toujours étonnée et effrayée. Mais rien ne s'est passé de mal. On a quitté les deux pièces de l'étage, traversé la cuisine des grands-parents et sommes allés tous les quatre habiter une autre maison construite au bout du jardin, une vraie, où nous avons vécu une enfance plus flamboyante, confortable, avec une chambre à nous, une salle de bains et des toilettes loin du poulailler.
Cette seconde maison aussi a disparu de nos vies et elle a même changé de couleur, du bleu qui marquait la loggia, le rose a envahi l'ensemble. Je le sais non parce que je suis passée devant, je ne supporterais pas, mais parce qu'avec Internet on peut survoler des paysages et s'en approcher, main tendue vers le vide, celui-là m'a un peu secouée mais pas très longtemps. La vie avance, indéfectiblement. Irrésistiblement.
Cette image, là, serait bien silencieuse et énigmatique si je n'y avais pas apposé le sceau de mon émotion et de mon passé. Ciel, qu'une image retrouvée peut révéler l'intime.
Ils ont chamboulé ma maison, déplacé les meubles et changé mes habitudes, mais là-bas, c'est encore chez moi ...
@Jack: (Ton com étant "familial", je me sens obligée de traduire, ou du moins approcher l'évocation : les "Polacks", nous les Polonais du coin, les "Macaronis", des voisins italiens du coin sur la droite, les Barthélémy, un couple de vieux voisins français sur la gauche, et, au-delà du champ bouleversé, bien plus tard, l'installation souveraine et étendue d'un centre Leclerc).
@Patrick: Tu m'as fait douter un instant de mes souvenirs mais cette photo fait partie d'un paquet d'images très anciennes prises de la fenêtre évoquée (et je ne prenais pas le train à cette époque). Mais peu importe, la plaine se ressemble partout, et il s'agit "seulement" du village des souvenirs. Et j'ai comme toi encore en tête les "madeleines" légumières et fruitières, carottes ou tomates tiédies au soleil du jardin, fraises et framboises mangées sur place avec une gourmandise et des sensations qu'aucun de nous n'a oubliées.
@trublion: Oui, les images engendrent beaucoup de réflexions, en tout cas chez moi ; chez toi aussi, mais différentes, ce qui se comprend, ici je suis dans du très personnel, mais c'est le thème de la semaine qui m'a conduite là. Bonne journée. Amitié.
@Blikvanger: Thank you so much !!
@Gérard: Je ne comprends pas.
@Gérard: Si tu veux cultiver le mystère , ok ... ... plus tard ... : ok, intrigue résolue chez toi :-)
@Jean-Luc.M: Je compatis à ton douloureux souvenir, c'est un passage qui t'a été difficile à vivre et qui résonne encore en toi. Je comprends d'autant mieux qu'au moment précis où le père à vendu la maison des grands-parents (le terrain en fait, du coup), je n'ai pas non plus pu lui dire adieu en quelque sorte. Et il a décidé seul du peu de choses à conserver. J'en ai beaucoup souffert, et mes souvenirs de ce moment-là sont très très flous, car souvent mon cerveau (tous ?) occulte presque complètement les moments de ma vie que je n'ai pas supportés. Merci pour ce récit (même douloureux) d'un moment de ta vie, toi qui te racontes si peu ... Oui, les coïncidences de la vie !! Et sur cette image, ses chemins, aussi, oui ... Bonne après-midi. Baisers.